Les data centers, essentiels au développement de l’intelligence artificielle, s’imposent partout dans le monde. Derrière les promesses économiques, ils soulèvent des défis environnementaux majeurs.
Par Nils Leprêtre
En Normandie, plusieurs nouveaux monstres d’acier et de câbles pourraient bientôt sortir de terre. Des géants du numérique seraient prêts à y investir des milliards pour construire des data centers, ces temples de l’intelligence artificielle voraces en énergie mais nécessaires à son développement exponentiel. Ces immenses bâtiments remplis de milliers de serveurs informatiques stockent, traitent et transmettent des données numériques : messages, vidéos, recherches en ligne… Avec l’essor de l’intelligence artificielle, les besoins des fermes à serveurs explosent. Entraîner des IA comme Chat GPT ou MidJourney demande une puissance de calcul importante. Un prompt sur Chat GPT consomme par exemple dix fois plus d’électricité qu’une recherche sur Google, d’après l’Agence internationale de l’énergie (AIE).
Le président du conseil régional normand, Hervé Morin, est lui convaincu des bénéfices d’une multiplication des centres de données sur son territoire. Lors de ses vœux à la presse le 7 janvier dernier, il a formulé un espoir : que la Normandie devienne une région de référence en matière d’intelligence artificielle. La région compte déjà une quinzaine de ces infrastructures. En 2024, « on a été contacté par des entreprises à deux reprises sur la possibilité d’implanter des data centers représentant des investissements de souvent plusieurs milliards d’euros », sans que ces échanges n’aboutissent finalement, a déclaré Hervé Morin.
Fort de ce constat, le président de région a souhaité mettre toutes les chances de son côté en identifiant cinq lieux étant en mesure d’accueillir de telles installations. « Nous sommes en train de bâtir une proposition clé en main qui va permettre à la Normandie de se positionner non seulement pour accueillir des data centers mais aussi derrière ça, d’être en capacité de produire un écosystème pour y agglomérer des centres de recherches, des laboratoires, des partenariats avec des écoles d’ingénieurs ». Si la région souhaite tant être choisie, c’est que la construction et l’entretien de ces infrastructures nécessite des travailleurs. « Ça représente des centaines d’emplois et pour la construction, des milliers. » Pour lui, l’idée est de « créer des pôles capables de générer de la valeur, de la richesse et de spécialiser l’économie régionale sur un champ dont on voit bien qu’il est immense ».
Des infrastructures numériques très gourmandes
Le revers de la médaille, c’est la consommation énergétique faramineuse des data centers. Faire fonctionner les serveurs, et surtout les refroidir, nécessite beaucoup d’électricité. Tous les ans, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) publie une étude dans laquelle elle analyse les tendances actuelles dans le secteur de l’électricité et fait des projections sur les évolutions de la demande, de l’offre et des émissions de CO2. Selon le rapport publié début 2024, les data centers ont consommé, en 2022, 460 térawattheures (TWh) d’électricité à l’échelle mondiale. D’après les projections, cette consommation devrait plus que doubler d’ici à 2026 pour atteindre, dans le scénario le plus pessimiste, 1 000 TWh, soit la consommation annuelle d’un pays comme le Japon. Et comme la majorité de l’électricité mondiale reste produite grâce aux énergies fossiles, cette consommation émet des gaz à effet de serre. En juillet 2024, Google a par exemple annoncé une augmentation de 48% de ses émissions de CO2 en quatre ans, l’essentiel de ces émissions provenant de ses data centers. Le secteur du numérique est responsable de 2 à 4 % des émissions, un tiers étant attribuable aux data centers. Ainsi, cette consommation est comparable à celle de l’aviation civile.
Mais en Normandie, une grande part de l’électricité produite est décarbonée compte tenu des nombreuses centrales nucléaires installées sur le territoire. Une aubaine pour les entreprises du secteur, d’après Hervé Morin, pour qui la Normandie « a de l’électricité autant qu’on veut avec la mise en service de l’EPR de Flamanville, bientôt la centrale nucléaire de Penly, l’éolien offshore et l’hydrolien dans le raz Blanchard. » Aux États-Unis, des entreprises comme Microsoft et Oracle, une autre multinationale américaine spécialisée dans l’informatique, se tournent elles aussi vers l’énergie nucléaire. Microsoft a signé un contrat de vingt ans pour la réouverture de l’unité 1 de la centrale de Three Mile Island en Pennsylvanie, tandis qu’Oracle envisage l’utilisation de petits réacteurs modulaires pour alimenter ses centres de données.
Une multitude de problématiques
À Londres, les datacenters installés consomment déjà trop d’électricité et la ville a donc décidé d’interdire le raccordement de nouvelles infrastructures de ce type sur le secteur. D’après un rapport de l’Autorité du Grand Londres datant de juillet 2023, dans trois arrondissements de la capitale, les projets immobiliers sont empêchés car le réseau électrique est soumis à une tension trop importante. Ce qui aggrave la crise du logement.
Outre leur voracité énergétique, les data centers posent de nombreux autres problèmes environnementaux. Leur consommation d’eau est considérable pour refroidir les serveurs en continu. Dans son rapport environnemental 2023, Google a annoncé avoir utilisé 28 milliards de litres d’eau en une seule année, les deux tiers pour ses data centers. Ses prélèvements hydriques ont augmenté de 82% entre 2018 et 2022. La construction de ces structures participe par ailleurs à l’artificialisation des sols. Et les data centers génèrent une quantité importante de déchets électroniques, notamment lors du remplacement régulier des serveurs. Ces équipements contiennent des métaux rares et toxiques, dont le recyclage est coûteux. Enfin, la pollution sonore, issue des systèmes de refroidissement et des générateurs, affecte les populations et la faune environnante.
Boîte noire : Pour rédiger cet article, j’ai eu recours à plusieurs outils d’intelligence artificielle, à différentes étapes de mon travail. J’ai d’abord utilisé NoteBook LM et Chat GPT pour lire et analyser plusieurs rapports techniques liés à l’impact environnemental des infrastructures numériques. Je lui ai au total fourni près de 500 pages de rapports et d’études. Je m’en suis aussi servi pour retrouver les sources initiales de différents articles. Cette utilisation de l’IA est très pratique et permet de vérifier rapidement un chiffre trouvé sur Internet en le retrouvant dans une étude fiable. Il suffit de demander à l’IA de citer exactement la phrase du rapport et d’ensuite vérifier que cette phrase existe bien dans le document (avec la fonction rechercher sur un PDF). Mais cette utilisation nous fait passer aussi à côté de plein d’informations que l’on pourrait trouver en consultant et lisant directement l’étude, nous donnant ainsi de nouvelles idées d’angles ou d’aspects du sujet à côté duquel on serait passé. J’ai ensuite utilisé Chat GPT pour de l’editing. Elle m’a proposé des formulations alternatives, des intertitres et des chapeaux optimisés pour le référencement SEO, me permettant d’améliorer la clarté de mon texte. Pour les intertitres, je lui ai demandé de me faire trois propositions pour chaque intertitre. J’ai dû lui reposer la question trois fois, en reprécisant à chaque fois un peu plus ma demande, avant d’en avoir des convenables. Pour le chapô, je lui ai demandé de me faire cinq propositions et j’ai ensuite fait un mix de deux différents. Enfin, j’ai fait appel à MidJourney pour créer une illustration visuelle accompagnant l’article. J’ai demandé à Chat GPT d’écrire le prompt pour qu’il soit le plus efficace possible. |