5 octobre 2024

Quand l’IA aide à choper sur les apps : le pari gagnant d’un ingénieur indien

Dans la frénésie des rencontres en ligne, Abhishek Kaushik a vu une opportunité de changer la donne. Créateur de DatingAI.pro, un site qui utilise l’intelligence artificielle pour améliorer les performances des utilisateurs sur les applications de rencontre, l’ingénieur indien de 24 ans trace son chemin dans l’entrepreneuriat.

Si l’emploi du temps d’Abhishek Kaushik est chargé, le jeune homme de 24 ans a su se rendre disponible pour un échange à travers les écrans. Basé à Bangalore, ville située au sud du pays et fréquemment qualifiée de Silicon Valley indienne, il se prête au jeu de la présentation.

Il y a un an, il crée DatingAI.pro. Observant les difficultés de ses amis à trouver des partenaires sur les applications de rencontre : « En ligne, tout repose sur l’apparence, la présentation et les interactions. Il faut être très efficace parce que chaque profil est au milieu d’une immense foule, et c’est particulièrement vrai pour les hommes », analyse le développeur. Un de ses amis, aujourd’hui son co-fondateur, utilisait ChatGPT pour générer des réponses ou des compliments. « Ça fonctionnait très bien mais c’était fastidieux. Il m’a demandé s’il était possible d’automatiser l’ensemble du processus. » Abhishek Kaushik accepte le défi et réalise un prototype pour générer des réponses selon les messages reçus sur les applications de rencontre, avec des suggestions dont le ton peut être adapté aux envies de l’utilisateur.

Depuis, DatingAI.pro s’est enrichi de nouvelles fonctionnalités : conseils sur la sélection de photos, rédaction de la bio, propositions de phrases d’accroche, et même entraînement à échanger avec une IA pour se faire noter. Le site vise à faciliter le passage de matchs virtuels en rendez-vous réels pour n’importe quelle application de rencontre.

Interface de DatingAI.pro

« Tout le monde a une personne à qui on demande conseil pour savoir quoi répondre. Ce qu’on souhaite faire c’est remplacer cet ami et l’automatiser à l’aide de l’IA », explique Abhishek Kaushik. Pour le jeune homme, son projet aurait plusieurs bénéfices. D’une part, une meilleure protection de la vie privée vis-à-vis de ses proches, « car vous ne voulez peut-être pas partager tous les détails avec votre ami », une plus grande efficacité dans les réponses « parce qu’il y a de fortes chances que votre ami ne connaisse pas tout le contexte », et enfin éviter les éventuelles intentions malveillantes de ses soi-disant amis, ce qui ruinerait beaucoup de relations selon le fondateur.

Crushtest

Quand on arrive sur le site DatingIA.pro, l’interface est simple, elle propose en anglais d’examiner les photos de profil afin d’aider l’utilisateur à choisir ses meilleurs clichés. Sur six photos chargées, le site choisit trois photos et leur ordre d’apparition sur le profil. Le site suggère également des bios à partir de centres d’intérêt et caractéristiques que l’utilisateur entre dans le site. Pour ma part, il me propose le très niais et plat : « 🌟 Journaliste passionnée qui aime essayer de nouvelles cuisines, écouter de la musique et écrire. Faisons une promenade romantique ou assistons ensemble à une représentation théâtrale !”, présentation très calquée sur les choix que j’ai dû entrer dans l’application. Je n’aurais jamais écrit ces quelques phrases pour me présenter. Quand je demande au site de me générer d’autres bio, je tombe sur des propositions dans d’autres styles qui me laissent tout autant perplexe : “Certaines personnes peuvent me trouver vilaine, mais je préfère me considérer comme célibataire par choix et trop aventureuse pour mon propre bien.”, “Je ne sais pas cuisiner, mais je mangerais volontiers à la maison si t’es le dessert.”, “Je suis comme le Nutella : coquine, tentante et à savourer directement du pot.”

L’utilisateur peut également faire le choix de charger le profil d’un de ses matchs afin d’obtenir des phrases d’accroche appropriées : “Tu dois être une magicienne, car chaque fois que je te regarde dans les yeux, tous les autres disparaissent.” ou dans un style plus direct que je n’ai pas pris le soin de traduire : “Nice shoes. Wanna fuck?”. Mais le site est surtout connu pour ses propositions de réponses qu’il est possible de choisir soit charismatiques, sarcastiques, drôles, pleines d’esprit, romantiques ou osées. Au message banal de “Tu fais quoi dans la vie ?”, l’application propose de répondre “Je suis en fait une briseuse de cœur professionnelle, mais je promets de faire une exception pour toi 😉 Et toi ? Des talents secrets ?”“Oh, je suis un dormeur professionnel. C’est un travail difficile mais quelqu’un doit le faire.” ou encore “Eh bien, mon travail à temps plein consiste à être irrésistiblement charmant lorsque je parle à quelqu’un d’aussi charmant que toi.”

Enfin, le site propose un entraînement au dating avec des IA. Après avoir swipé à droite Mia, 26 ans, prof de fitness, végane cherchant quelqu’un aux ondes positives, la photographe ainsi que la néozelandaise Olivia, 28 ans qui cherche quelqu’un qui porte un regard particulier sur le monde, j’obtiens un match avec Emily, 30 ans, journaliste américaine. Elle cherche quelqu’un qui partage les mêmes valeurs de vérité et avec qui elle pourra avoir des conversations passionnantes. Nous faisons partie de la même profession. Je commence la conversation avec cette IA par ce cocasse constat : “Deux journalistes ensemble, une belle blague !” Elle me demande ce que je pense des journalistes et je choisis une réponse proposée par l’application : “Les journalistes sont définitivement connus pour poser les questions difficiles. En parlant de questions, si tu pouvais interviewer n’importe quelle personne vivante ou morte, ce serait qui ?” Elle me répond vouloir interviewer Einstein, je lui réponds que pour ma part, j’adorerais rencontrer Kristen Stewart. Et puis sa réponse devient incompréhensible “La nostalgie de Twilight frappe différemment, hein ?” Je lui réponds ne pas comprendre, m’excusant d’être française. Elle ne cherche pas à reformuler et rebondis sur mon soi-disant mal du pays. La discussion s’enchaine sur la France avec toujours deux propositions que le site me propose. Très vite, le verdict tombe et interrompt notre échange. Emily n’est pas sûre de vouloir faire un date avec moi. Je ne lui avais pourtant rien proposé. Pour cette discussion, j’ai utilisé 5 crédits sur les 20 qui sont offerts à la création d’un compte sur le site. Mais si l’appli ne m’a pas convaincu, elle semble séduire de nombreux utilisateurs.

Votre humble journaliste écrit vraisemblablement de meilleurs articles que des punchlines qui font fondre les IA.

La rencontre du succès

Le projet a très vite rencontré son public. Il propose des formules allant de 5 dollars pour 30 crédits à 20 dollars pour avoir 160 crédits, permettant de bénéficier de services sur le site. L’argent récolté par les abonnements s’additionne aux publicités hébergées sur son site. « Nous avons été rentables cinq jours après avoir commencé à monétiser le projet en 2023 », se félicite le créateur. Le site se targue d’avoir déjà généré plus d’un million de chats et 100 000 bios. Les utilisateurs sont situés aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Inde. La France quant à elle ne comptabilise que 2 500 utilisateurs. Ce succès, il l’explique grâce au « besoin désespéré » universel des hommes de faire la différence sur les applications de rencontre. « Je pense que le seul pays où ce besoin n’existe pas est la Russie, où le nombre de filles est plus élevé que le nombre d’hommes », ajoute-il.

Pour assurer le site, les deux entrepreneurs se partagent les rôles : « Mon cofondateur est un magicien de SEO, il s’occupe donc du SEO et moi je m’occupe de Twitter et LinkedIn. Nous n’avons fait aucune dépense de marketing mais nous finirons par nous lancer dans le marketing payant. » La petite équipe prévoit de s’agrandir. « Nous sommes en pourparlers pour engager quelqu’un. Pour l’instant, nous avons nos amis qui nous aident sur leur temps libre, et une ou deux personnes qui font du travail contractuel mais pas encore à plein temps. »

Un projet qui demande beaucoup de temps et d’investissement : « Ça demande plein de sacrifices dans différents aspects de ma vie. Mais comme c’est dans mon ADN, j’aime ça. » Abhishek Kaushik a déjà été reconnu pour son talent, sélectionné comme le plus jeune Indien à l’Université Draper en 2018 et faisant partie des 100 ingénieurs indiens les plus brillants selon l’Economic Times India en 2019. Après plusieurs tentatives dans la création de sites, il se lance pleinement dans ce projet, cherchant à concurrencer Roast, une société française créée en 2020 qui vise de la même manière à améliorer l’expérience sur les applications de rencontre et promet à ses utilisateurs de « multiplier par 10 le nombre de matchs » obtenus.


Quant à son utilisation personnelle de son site, Abhishek Kaushik répond modestement qu’il n’a « pas besoin d’aide », prétendant être « doué pour ça ». Il admet l’avoir uniquement utilisé pour tester son produit, préférant les rencontres IRL, car celles qu’il a faites en ligne sont souvent « chaotiques ».

By conrath

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