18 octobre 2024

Pourquoi certains crimes font-ils plus parler que d’autres ?

Ils font la une des médias et émeuvent l’ensemble de la société. Certains faits divers sont au cœur des discussions des Français, parfois pendant des mois, et ont parfois même un impact sur la politique du pays. On se souvient des remous provoqués par l’assassinat de la petite Lola, tuée par une jeune femme en octobre 2022. La disparition du petit Émile avait quant à elle tenu en haleine le public pendant des mois. Mais qu’est-ce qui rend un crime, un fait divers, plus « médiatisable » qu’un autre ?

Les Français sont friands de faits divers, de sang et de meurtre, et ne peuvent le nier. Lequel d’entre nous peut se vanter de n’avoir jamais acheté un journal ou regardé une émission de télé uniquement parce que les noms de Guy Georges, Michel Fourniret ou Xavier Dupont de Ligonnès en faisaient la une ? Si ces histoires sont parmi les plus connues, elles ne sont pas les seules, et les affaires de meurtres font les beaux jours des rubriques « faits divers » de la presse régionale et nationale. Pourtant, le choix de traiter telle ou telle affaire judiciaire dépend pour les médias de plusieurs critères.

Dans sa thèse « Les mécanismes de médiatisation des faits divers criminels dans le quotidien Aujourd’hui en France« , Élodie Souslikoff analyse le traitement médiatique de trois affaires distinctes sur la période 2011-2012. Elle relève notamment que lorsqu’un fait divers comporte des éléments de suspense, notamment quand il s’agit de la disparition d’une personne ou de rebondissements dans l’enquête, les médias sont particulièrement attirés. Cela captive l’attention du public et alimente les discussions, un peu comme un feuilleton. La présence d’un suspect avec un passé judiciaire ou une personnalité intrigante peut susciter un intérêt médiatique accru. Les journalistes se concentrent souvent sur les détails de la vie du suspect, ce qui peut ajouter une dimension sensationnelle à la couverture médiatique. On se souvient par exemple des nombreuses émissions et articles qui tentaient, et tentent encore, d’analyser la personnalité de l’ogre des Ardennes, Michel Fourniret, dont la psychologie semble être une source inépuisable de recherches.

La gravité et la violence des faits sont des facteurs déterminants dans la couverture médiatique. Les crimes particulièrement choquants ou brutaux captivent l’attention du public et incitent les médias à couvrir l’affaire de manière intensive.

On favorise les histoires qui tiennent en haleine le lecteur

Dans ses travaux, Élodie Souslikoff compare trois affaires criminelles distinctes : l’enlèvement, le viol et le meurtre de Laëtitia Perrais par Tony Meilhon en janvier 2011, le viol et le meurtre d’Agnès Marin par un élève de son établissement en novembre 2011, et l’enlèvement, le viol et le meurtre de Gala Mulard par Alain Delannoy en mars 2012. « Ces faits divers atteignent un niveau de violence suffisamment élevé pour être sélectionnés et inclus dans le panorama de l’actualité nationale« , explique Élodie Souslikoff. Pourtant, comparée aux meurtres brutaux de Laëtitia Perrais et d’Agnès Marin, l’affaire Gala Mulard, perçue comme moins sensationnelle, avait été moins couverte. Élodie Souslikoff compte ainsi, dans le quotidien Aujourd’hui en France, 47 articles sur le meurtre de Laëtitia Perrais, 10 sur celui d’Agnès Marin, et seulement un sur celui de Gala Mulard. Dans le cas de Laëtitia Perrais, la chercheuse souligne : « Les premiers jours de la médiatisation correspondent donc à l’espoir de retrouver la jeune fille, ce qui crée du suspense, permet de tenir le lecteur en haleine, et, surtout, créé une histoire, qui sera étayée chaque jour par de nouvelles informations, un peu à la manière d’un feuilleton« .

Le rôle des politiques

L’intervention des politiciens et des autorités peut également influencer la médiatisation d’un fait divers. Les réactions et les mesures annoncées par les autorités en réponse à un événement peuvent amplifier sa couverture médiatique.

Qu’ils le veuillent ou non, les politiques ont donc parfois un rôle à jouer. L’analyse d’Élodie Souslikoff montre que l’intervention politique peut jouer un rôle significatif dans la médiatisation des affaires. Par exemple, dans l’affaire Agnès Marin, où l’État français a été condamné pour négligences fautives, les débats sur le système de protection des mineurs ont été largement médiatisés. De même, les réactions des politiciens et des autorités dans chaque affaire ont contribué à façonner la couverture médiatique. Dans l’affaire Lola, les réactions des politiques, notamment à l’extrême droite, avaient contribué à relancer le débat sur la bonne exécution des OQTF (obligation de quitter le territoire français) dans le pays.

Comparativement aux meurtres brutaux de Laëtitia Perrais et d’Agnès Marin, l’affaire de Gala Mulard peut avoir été perçue comme moins sensationnelle. Cependant, Élodie Souslikoff souligne que chaque affaire est façonnée par une combinaison complexe de facteurs, et que la perception de leur importance médiatique peut varier en fonction de divers éléments, y compris le contexte politique et social du moment.

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