21 novembre 2024

La Grèce devient le premier pays européen à interdire le chalutage de fond dans ses aires marines protégées

D'ici à 2030, il sera interdit de pratiquer la pêche au chalut dans un tiers des eaux grecques. Illustration générée par Dall-E.

Le gouvernement grec a annoncé le 16 avril 2024 qu’il interdirait le chalutage de fond, une pratique de pêche très nocive pour les écosystèmes, dans plus de 30% de ses eaux nationales. Une grande première dans l’Union européenne.

« Je n’en reviens pas ! » jubile Claire Nouvian, militante européenne de défense de l’environnement. « C’est la meilleure nouvelle que j’ai entendue depuis des années pour l’océan », poursuit la fondatrice de l’ONG Bloom.

Sa joie s’explique par l’engagement pris par la Grèce le 16 avril 2024 : interdire le chalutage de fond, une pratique de pêche particulièrement nocive, dans toutes ses aires marines protégées (MAP). Cette annonce intervient à l’occasion de la neuvième conférence mondiale « Our Ocean », qui a réuni à Athènes des chefs de gouvernement, des scientifiques et des représentants d’organisations internationales. « Nous interdirons le chalutage de fond dans nos parcs nationaux dès 2026 et dans toutes les aires marines protégées d’ici à 2030 », a précisé le Premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis face à plus d’une centaine de délégations.

Le chalutage de fond consiste à utiliser des filets lestés qui raclent les fonds marins, ce qui en fait l’une des méthodes de pêche les plus destructrice pour les écosystèmes. Aujourd’hui, la Grèce devient le premier membre de l’Union européenne à exclure totalement cette activité de certaines zones. « La Grèce a donné une leçon magistrale au reste du monde », estime Claire Nouvian.

La mesure « la plus efficace » pour protéger les écosystèmes

Le gouvernement grec a également annoncé qu’il augmenterait l’étendue de ses aires marines protégées pour atteindre 32% de ses eaux nationales d’ici à 2030, contre 18% aujourd’hui. Deux nouveaux parcs marins sont prévus, l’un en mer Ionienne et le second en mer Égée, englobant des zones Natura 2000 existantes et couvrant au total 26 000 kilomètres carrés.

Dans sa déclaration officielle d’engagements pour le sommet « Our Ocean », la Grèce reconnaît que l’interdiction du chalutage de fond dans les aires protégées est « la mesure la plus efficace pour la conservation de la biodiversité marine et la restauration des écosystèmes ». D’autant que la Méditerranée est un des écosystèmes marins les plus riches au monde : entre 20% et 30% des espèces qu’elle abrite n’existent nulle part ailleurs. Les mesures annoncées par la Grèce doivent permettre de protéger des habitats comme les posidonies et les récifs coralliens, ainsi que des dizaines d’espèces de dauphins, marsouins, phoques, cormorans ou cachalots.

Depuis des années, la recherche scientifique sur le chalutage de fond s’accumule. Une étude publiée dans Nature en 2022 a montré que les fonds marins mettent plusieurs années à se remettre du passage des chaluts, quand ils ne sont pas détruits de manière irréversible. La même année, plus de trois cent chercheurs en océanographie ont signé un appel à l’interdiction du chalutage de fond et de toutes activités industrielles dans les aires marines protégées. Selon eux, cette pratique représente « la perturbation la plus forte et la plus répandue des écosystèmes marins ».

Par ailleurs, les fonds marins sont des stocks de carbone importants, dont la destruction relâche du CO2 dans l’océan puis l’atmosphère. Un point également souligné par la Grèce dans sa déclaration d’engagements : « Selon les études les plus récentes, le chalutage de fond est une source importante d’émission de gaz à effet de serre, comparables en quantité à celles de l’aviation. »

780 millions d’euros mobilisés

Du point de vue économique, le pays vante les avantages à long terme de ses mesures, qui assureront « la durabilité des stocks de poissons » et bénéficieront aux communautés locales en promouvant des « pratiques de pêche durable ». Pour les 247 chalutiers concernés par l’interdiction, le plan de la Grèce prévoit « des mécanismes de compensation », possiblement financés par le développement de parcs éoliens en mer.

L’engagement de la Grèce se mesure aussi aux moyens de contrôle engagés pour faire respecter l’interdiction. Le Premier ministre Kyriakos Mitsotakis a annoncé « un système de surveillance de pointe » incluant des satellites, des drones et des outils d’intelligence artificielle. En tout, 780 millions d’euros seront mobilisés pour la protection des eaux grecques. Enfin, l’extension des aires marines protégées « facilitera l’application effective des interdictions, car il y aura moins de fragmentation des zones », souligne la Grèce.

Cette décision historique place le pays méditerranéen en leader de la protection des océans dans l’Union européenne. Pour Claire Nouvian, elle met surtout en lumière « l’incurie impardonnable du gouvernement français ». Avec ses nombreux territoires hors de métropole, la France dispose en effet du premier espace maritime des pays de l’UE et du deuxième à l’échelle mondiale. Mais Paris continue à plaider contre l’interdiction du chalutage de fond au nom des intérêts économiques de la pêche. Les annonces de la Grèce font monter la pression d’un cran, alors que la France accueillera en 2025 la troisième Conférence des Nations unies sur l’océan.

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