Trajectoires, dépassements, stratégies de course… L’intelligence artificielle fait désormais partie des outils utilisés par l’équipe de France de cyclisme sur piste dans sa préparation aux Jeux olympiques de Paris, du 26 juillet au 11 août prochain. L’IA pourrait-elle aider Benjamin Thomas ou Mathilde Gros à décrocher une médaille ? Éléments de réponse.
On connaissait les tests en soufflerie et les capteurs de puissance, place désormais à l’intelligence artificielle. Depuis plusieurs années, le cyclisme fait la chasse aux “gains marginaux”, ces petites améliorations techniques, qui, mises bout à bout, permettent de décrocher des victoires. Sur le parquet du vélodrome de Saint-Quentin en Yvelines, où se dérouleront plusieurs épreuves olympiques, l’équipe de France de cyclisme sur piste intègre l’intelligence artificielle à sa préparation. L’objectif ? Optimiser les chances de médailles aux Jeux olympiques de Paris, du 26 juillet au 11 août prochain.
Faire parler les données
Si l’IA a déjà convaincu des équipes professionnelles en cyclisme sur route, sur la piste, c’est la première fois que les tricolores y ont recours. « C’est un outil qui aide les entraîneurs, mais il n’a pas réponse à tout », prévient d’emblée Jean-François Rysman. Chercheur post-doctorant au laboratoire LadHyX (le laboratoire d’hydrodynamique de l’École polytechnique), spécialisé dans la mécanique des fluides, il promène son expertise depuis un an et demi au sein du pôle performance de l’équipe de France.
L’intelligence artificielle sert avant tout à fusionner les nombreuses données accumulées sur les pistards : poids, vitesse, position sur la piste, cadence de pédalage, puissance développée à chaque coup de pédale… « On a une quantité énorme de données, car on est presque capable de tout mesurer en cyclisme, et l’utilisation de l’IA permet de les faire parler », explique Iris Sachet, Sport Scientist à la Fédération française de cyclisme.
« On fait appel à des algorithmes pour identifier des variables clés qui ont fait la performance ou la non-performance d’un athlète lors d’un entraînement ou d’une compétition, précise Jean-François Rysman. On parle d’intelligence artificielle, mais dans la communauté scientifique, on utilise plutôt le terme de machine learning, ou apprentissage automatique. »
Optimiser les trajectoires
Pour une collecte plus précise de ces données, le pôle performance s’appuie sur du tracking vidéo. A Saint-Quentin en Yvelines, les coureurs multiplient sprints, démarrages et tours de piste sous le regard des caméras installées au plafond du vélodrome par la société Dartfish, fin 2022. L’IA identifie les coureurs à distance et les suit en plein effort, même lorsqu’ils jouent des coudes à 70 km/h au sein du peloton.
L’innovation permet notamment d’optimiser les trajectoires des pistards français, à l’aide d’une modélisation du vélodrome. « A la fin de l’entraînement, je visionne la position du coureur au fil du temps et j’analyse ses trajectoires pour voir quelle est la meilleure à reproduire en compétition », détaille Jean-François Rysman. L’intelligence artificielle détermine la courbe optimale en prenant en compte les caractéristiques du coureur. De nouvelles trajectoires sont proposées, matérialisées sur le sol en pin de Sibérie par de petites croix blanches, permettant aux pistards de les mémoriser.
Des travaux utiles aux sprinters, notamment en vitesse individuelle. Lors de cette épreuve, deux coureurs effectuent deux ou trois tours avant de s’affronter sur les 200 derniers mètres. Pour prendre de la vitesse, les pistards montent sur le haut de la piste, inclinée à 44 degrés au plus fort de la pente, avant de plonger vers le centre. « On s’interroge sur la manière de descendre du vélodrome, poursuit Jean-François Rysman. Est-ce qu’il faut faire un à-pic ? Une descente plus progressive ? »
L’IA, nouveau stratège des vélodromes ?
L’IA est aussi utilisée par l’équipe de France pour élaborer de nouvelles tactiques de course. En vitesse individuelle, le modèle a analysé près de 2 000 matchs internationaux et a présenté différentes stratégies d’après le niveau et l’état de forme de l’adversaire. « On a observé comment nos athlètes et nos adversaires gagnent et perdent leurs matchs, s’ils ont employé telle ou telle stratégie de dépassement, raconte Inès Sachet. Cela permet d’affiner les choix. » Est-ce que le coureur a intérêt à se placer directement en tête ou à dépasser au dernier moment ? Faut-il monter sur le haut du virage ou rester à la corde ?
En Keirin, six coureurs sont lancés par un derny avant de sprinter lors des trois derniers tours. Là encore, en compilant le résultat de compétitions réelles, le modèle de machine learning détermine la meilleure configuration de course pour l’emporter. Il indique les chances du coureur de s’imposer lorsqu’il prend le départ en telle ou telle position. Les scientifiques ont également travaillé sur l’omnium, une épreuve d’endurance lors de laquelle les coureurs marquent des points à l’issue de plusieurs manches. « L’algorithme permet de déterminer une stratégie de scoring, en indiquant la probabilité de décrocher une médaille avec tant de points à l’issue de telle ou telle manche », indique Inès Sachet.
« Les performances se sont améliorées »
Si les pistards français tournent de plus en plus vite, difficile de quantifier les avantages apportés par l’intelligence artificielle. « Les performances, en moyenne, se sont améliorées, assure Jean-François Rysman. Mais tout va dépendre de la forme du coureur. » La technologie a aussi ses limites. « Le logiciel a travaillé sur les trajectoires et le temps idéal des relais en vitesse par équipe, mais le modèle de trajectoire proposé n’était pas réalisable », se souvient Inès Sachet. La principale difficulté se trouve dans l’adoption du modèle, selon Jean-François Rysman. « Les tactiques ne sont pas adaptées à tous les coureurs. Et ce n’est pas parce qu’on leur dit d’être là à ce moment-là qu’ils vont réussir à le faire. Le sport, ce n’est pas que des statistiques. »
L’intelligence artificielle devrait occuper une place grandissante en cyclisme sur piste dans les années à venir. Les grandes nations, comme la Grande-Bretagne et l’Allemagne, sont aussi sur le coup, même si peu d’informations filtrent. « Lorsque j’ai trouvé les trajectoires idéales sur la piste, je me suis rendu compte que les Allemands les utilisaient déjà », sourit Jean-François Rysman, pas dupe. L’IA pourrait aussi se révéler intéressante dans la planification des entraînements et la préparation d’objectifs précis.
Les entraîneurs bientôt remplacés ?
À terme, pourrait-elle remplacer les entraîneurs ? « J’ai du mal à y croire », avoue Iris Sachet, elle-même ancienne pistarde de haut niveau. « On a toujours besoin de retour du terrain, c’est de là que viennent les questions. Un entraîneur voit ce qu’il se passe et c’est difficile d’intégrer l’émotion et le facteur humain dans un algorithme. » D’ailleurs, l’utilisation d’une intelligence artificielle a aussi permis de confirmer que les entraîneurs ont « un regard fin » : « certaines de leurs hypothèses se sont confirmées, cela nous a permis de mettre des chiffres et de l’objectivité sur leurs idées. »
Un avis partagé par Jean-François Rysman, pour qui l’entraîneur est un intermédiaire indispensable entre les scientifiques et les athlètes. « J’ai seulement une connaissance statistique de la piste. Or, l’expérience du terrain est indispensable et sera très dure à remplacer par une IA. » Entraîneur des sprinters, Grégory Baugé est lui-même un ancien pistard, multi-médaillé aux Jeux olympiques et aux championnats du monde.
« La connaissance du stress, la sensation de courir au haut niveau, ce sont des choses qu’on ne peut pas appréhender nous, scientifiques. »
L’intelligence artificielle pourra-elle favoriser les pistards français dans leur quête de médailles olympiques ? Il faudra attendre le 11 août prochain pour le savoir. Une chose est sûre : Benjamin Thomas, Mathilde Gros et les autres devront avant tout compter sur leurs jambes.
Boîte noire
Pour rédiger l’article sur l’utilisation de l’intelligence artificielle par l’équipe de France de cyclisme sur piste, nous nous sommes appuyés sur divers outils d’IA, dont ChatGPT.
Trent pour les transcriptions : l’interview du chercheur Jean-François Rysman, pilier de notre article, a été retranscrite grâce à Trent. Cet outil de transcription automatique devait convertir rapidement l’audio en texte. Puisque l’interview a été réalisée par téléphone, la qualité sonore n’était pas optimale et le volume de l’enregistrement variait. Des conditions qui n’ont pas permis à Trent de traduire fidèlement les propos du chercheur, provoquant beaucoup d’erreurs, de coquilles et d’approximations. Finalement, j’ai retranscrit l’entretien manuellement.
ChatGPT pour la mise en forme : pour respecter les conventions typographiques françaises, j’ai sollicité ChatGPT afin de transformer les guillemets anglais en guillemets français. L’IA n’ayant pas effectué l’action sur l’ensemble de l’article, j’ai dû me rabattre sur Google Docs pour le faire.
Scribens pour la correction orthographique : afin d’assurer la qualité linguistique de notre texte, j’ai utilisé Scribens. Ce correcteur orthographique a scruté notre texte, y décelant fautes de frappe, erreurs grammaticales et autres coquilles, afin que le produit final soit impeccable.
Génération d’images avec ChatGPT : pour illustrer visuellement les concepts abordés dans l’article, j’ai fait appel à ChatGPT pour générer des images. Après quelques essais et ajustements pour affiner les détails selon nos besoins spécifiques, nous avons obtenu deux visuels pertinents et attractifs insérés dans l’article. Il a cependant fallu multiplier les demandes, car l’IA n’a pas toujours interprété correctement les demandes, créant des incohérences visuelles.
Enfin, cette boîte noire a été généré en partie par ChatGPT, qui a notamment structuré le texte.